La parfumerie moderne

La parfumerie moderne est apparue à la fin du XIXe siècle. Autrefois aristocratique et artisanale, la parfumerie est libérée par le progrès technique, les techniques existantes supplantées par un commerce victorieux sous le contrôle de la bourgeoisie. Si les produits typiques – dilutions, infusions, absolues – continuent de sortir des ateliers de Grasse, ces parfumeurs saisissent rapidement les avantages des produits chimiques, molécules du progrès technique, fabriqués en France dans les usines du Rhône et surtout en Allemagne par les firmes Schimmel, Haarmann und Reimer. Ils n’hésitent pas à les utiliser dans leurs créations. Les parfums sont fabriqués, préparés et emballés dans des unités de production de la région parisienne. La plupart des magasins se trouvaient rue Royale, rue du Faubourg Saint-Honoré, méthode de l’Opéra, et place Vendôme, ou peut-être dans les installations des grandes métropoles comme Lyon, Lille, Bordeaux, et Marseille.

Ils avaient des boutiques dans les grandes capitales du monde – Moscou, New York, Central London, parfum sur mesure Rome ou Madrid. La biochimie est à l’origine du commerce moderne des parfums. Par essais et erreurs, mais aussi en étudiant les ingrédients des huiles importantes, les chimistes ont créé les premières substances synthétiques. Par exemple, en 1900, huit des éléments de la rose ont été reconnus, 20 dans les années 1950, 50 dans les années 1960, et à la fin du vingtième siècle, plus de 4 100. Les produits synthétiques standard utilisés aujourd’hui, tels que les aldéhydes, les ionones, les boissons alcoolisées phényliques, le géraniol, le citronellol, l’acétate de benzyle, la coumarine et la vanilline datent des dix premières années du vingtième siècle, tout comme certaines substances artificielles qui n’existent pas dans la nature, telles que l’hydroxycitronellal ainsi que les premiers muscs. Pour ces parfumeurs du début du vingtième siècle, les éléments artificiels n’avaient pas la complexité des éléments naturels auxquels ils étaient habitués. Bien que fascinants, ces éléments étaient perçus comme durs, parfois inconfortables. En réponse, les fabricants de ces éléments ont créé leurs propres mélanges harmonieux d’éléments naturels et synthétiques, les premiers fondements de la parfumerie moderne.

Alors que les chimistes cherchaient avant tout à comprendre la nature, les parfumeurs ont su utiliser des éléments artificiels pour s’affranchir de la référence obligatoire à la « nature », ouvrant ainsi de nouvelles possibilités créatives. Ainsi, l’ambre du parfumeur, qui est en fait un composant inférieur séché, n’a absolument rien à voir avec l’ambre jaunâtre, la résine fossilisée, ni avec l’ambre gris, la sécrétion du tube digestif du cachalot. C’est le premier parfum issu de la création de la vanilline à la fin du XIXe siècle. Un simple mélange de vanilline, un élément synthétique, et de labdanum total, un produit entièrement naturel, est devenu un régulier olfactif fondamental pour un excellent nombre de parfums. Dans leur entreprise de mode, les sœurs Callot proposaient à leurs meilleurs clients un certain nombre de parfums qui étaient disponibles exclusivement dans leurs boutiques. Ils répondaient à des marques comme Mariage D’amour, Los angeles Fille du Retour sur Investissement de Chine, ou Bel Oiseau Bleu. Gabrielle Chanel, que Paul Poiret décrivait comme représentant le misérabilisme de haut vol, s’adresse à la maison Rallet pour obtenir un parfum qu’elle pourrait offrir à ses clientes. Situé à Los angeles Bocca près de Cannes, ce fabricant de composants non cuits pour l’industrie de la parfumerie fut le premier à produire des parfums à la commission. Elle y rencontre son parfumeur de longue date, Ernest Beaux, et fait appel à Pierre Wertheimer, propriétaire des parfums Bourjois, pour créer son parfum.

Chanel était déjà célèbre pour son goût de la simplicité. Elle transmet cette idée en quelques mots à propos de son parfum et de son contenant : « Si j’étais parfumeur, je mettrais personnellement tout dans le parfum, et absolument rien dans la présentation… et pour le rendre vraiment inimitable, je voudrais personnellement qu’il soit très cher. » Dans les années 30, François Coty est le roi des parfumeurs, mais ses valeurs politiques sévères et sa mégalomanie l’entraînent vers des dettes financières. Alors que son entreprise vacille, il s’éteint à la fin de la décennie. La marque Coty s’imposera aux États-Unis, où elle est aujourd’hui la plus connue des marques de parfumerie grand public. À Paris, enivrés par les États-Unis Elizabeth Arden et la créatrice de mode italienne Elsa Schiaparelli, les contenants deviennent figuratifs, parfois bizarres, taquins ou moqueurs.

Par amitié pour Elsa Schiaparelli, le peintre surréaliste Salvador Dali a mis au point le Roy Soleil : il s’agit d’un boîtier doré qui entoure astucieusement une bouteille au motif marin. Le bouchon a la forme de la lumière du soleil, dont l’un des rayons plonge dans le flacon pour servir d’applicateur.


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